Et on reparle des néonicotinoïdes. "Les tueurs d'abeilles"

26/05/2025

Néonicotinoïdes : ce qu'on remet dans les champs, c'est aussi dans nos assiettes

Introduction

Je ne suis ni chimiste, ni agronome. Je suis un mangeur heureux, un amoureux des champs, des abeilles, du pain croustillant et du miel doré. Et aujourd'hui, j'ai les sens en alerte. Pourquoi ? Parce qu'on reparle des néonicotinoïdes. Ces pesticides puissants, interdits en France depuis 2020 pour leurs effets ravageurs sur les pollinisateurs, pourraient faire leur grand retour dans nos campagnes.

Alors, avant de m'emporter (ou de m'emballer), j'ai voulu comprendre. Quels sont les risques ? Que dit la science ? Pourquoi certains agriculteurs les réclament ? Et existe-t-il des alternatives ? Petit tour d'horizon d'un sujet piquant… comme un champ sans abeilles.

1. Les néonicotinoïdes, c'est quoi exactement ?

Les néonicotinoïdes sont des insecticides systémiques : ils pénètrent dans toute la plante, de la racine jusqu'aux fleurs. Résultat ? Quand un insecte (utile ou nuisible) s'y frotte ou s'y nourrit, il meurt.
Initialement développés dans les années 1990, ces produits ont été largement utilisés en agriculture pour lutter contre les pucerons, les coléoptères, etc.

Mais leur puissance est telle qu'ils ne font pas de distinction entre le doryphore et l'abeille. En clair, ils tuent tous les insectes.

2. Pourquoi ont-ils été interdits ?

Depuis les années 2000, des études de plus en plus nombreuses ont établi un lien direct entre les néonicotinoïdes et le déclin massif des pollinisateurs. En voici quelques effets documentés :

  • Désorientation des abeilles (elles ne retrouvent plus la ruche),

  • Diminution de la fertilité,

  • Affaiblissement du système immunitaire,

  • Contamination de l'eau, des sols et des plantes non ciblées.

En 2018, l'Union européenne interdit trois molécules principales. La France va plus loin en 2020 en interdisant tous les néonicotinoïdes. Mais depuis, plusieurs dérogations ont été accordées, notamment pour la culture de la betterave sucrière.

3. Pourquoi certains agriculteurs veulent-ils les réintroduire ?

Le problème est économique et agronomique : sans ces insecticides, certaines cultures sont fortement attaquées. Par exemple, la jaunisse virale transmise par les pucerons a ravagé des hectares de betteraves.

Les producteurs alertent : sans protection efficace, les rendements chutent, et la France importe des produits traités avec ces mêmes néonicotinoïdes depuis d'autres pays. Une concurrence jugée déloyale.

En bref : produire sans pesticides… mais devoir acheter du sucre venu d'ailleurs, traité chimiquement. Incohérence ? Dilemme ? Oui.

4. Et dans nos assiettes ?

Les résidus de néonicotinoïdes se retrouvent parfois dans les aliments, surtout les produits issus de cultures intensives. Mais plus encore : en déséquilibrant les écosystèmes, ils menacent tout ce qui fait notre alimentation :

  • Moins d'abeilles = moins de pollinisation = moins de fruits, de légumes, de diversité.

  • Moins d'insectes = chaînes alimentaires bouleversées (oiseaux, poissons, etc.)

  • Sols contaminés = agriculture appauvrie à long terme.

Le bien manger commence par une terre vivante. Et là, clairement, on joue avec le feu.

5. Des alternatives, vraiment ?

Oui, il existe des alternatives :

  • La lutte biologique (utilisation d'insectes prédateurs),

  • Le biocontrôle,

  • Les rotations de culture,

  • Les variétés résistantes,

  • L'agriculture de précision.

Mais ces solutions demandent du temps, de la formation, de l'investissement. On ne change pas un modèle agricole du jour au lendemain, surtout quand on met la pression aux agriculteurs pour « produire plus ».

6. Alors, on fait quoi ?

Il n'y a pas de réponse simple. Mais on peut, nous, consommateurs, soutenir :

  • Les agriculteurs qui font autrement,

  • Le bio local,

  • Les circuits courts,

  • Une agriculture de bon sens.

Et on peut continuer à s'informer, à débattre, à dire que non, les abeilles ne sont pas un détail. Elles sont un signal d'alarme.

Conclusion

Les néonicotinoïdes ne sont pas juste un outil technique. Ils sont un choix de société. Le choix d'une agriculture chimique, rapide, rentable… mais destructrice.
Et dans ce combat entre rendement et vivant, il est temps de rappeler que ce qui compte, ce n'est pas seulement ce qu'on produit, c'est comment on le produit. Parce que tôt ou tard, c'est dans notre assiette que ça finit.

Didier Maury
Mangeur engagé, défenseur des abeilles et du goût vrai.
📧 md.conseildiet@gmail.com @didiergourmand